En chair et en os, Havelock se promène à l'assemblée d'Eveil. Les fringues, une chemise froissée et un pantalon à peine plus lisse, ne sont plus très bien rangées. Sur le visage, en dessous des cernes, une barbe de plusieurs jours.

Peut être par hasard, l'homme arrive dans l'assemblée proprement dite.

"

dieux. dieux.

Il n'existe pas assez de mots pour exprimer tout mon mépris. Je brule de haine, de colère ... de toutes ces horreurs que tu as infligées et que tu infliges encore, toutes accumulées au sein de mon coeur en miettes.

Par ta faute, dieux.

Oh je sais ta ligne de défense... "qu'as tu à voir là dedans?" Tu ne fait rien, tu n'es pas présent, tu n'es pas dangereux... Suivant l'analyse que font beaucoup, c'est vrai que tu serais plus amorphe qu'un mollusque, si ce n'était cette inflexible volonté de nous voir nous entredéchirer. Ce... plaisir malsain à nous forcer à des choix immondes... que tu caches derrière un masque de rigueur et de bonne conscience.

Tu nous condamne à une logique quotidiennemnt destructrice et servile.

Je te vomis, dieux... et je souffre de ne pouvoir mieux te le faire payer.

Mais je ne me laisse pas faire pour autant: il y a de l'espoir dans mon combat.

Chaque fois qu'un d'entre nous sort des rails que tu imposes, c'est une victoire pour la liberté de tous les commandants, présents et futurs. A force de victoires, petites ou grandes, à force de fissures dans cette façade de bonnes intentions (pouah!), un jour l'édifice tombera.

Pas forcément aujourd'hui... peut être même dans mille ans... ou plus.

Donc je me bats. Car c'est une lutte qui va au delà de mon existence.. afin de préserver l'espoir de détruire la tienne.

Tu voulais qu'Eveil et Devenir suivent tes ordres?

Je t'ai privé d'une galaxie. Un jour nos enfants se souviendront que tout un pan de ton univers t'as désobéi. Que ton contrôle n'est pas absolu. Oh, j''ai savouré ta déception, lors de cette perte. J'ai fêté ta défaite. Et j'ai jubilé lorsque je t'ai forcé la main, une fois de plus pour me permettre de te combattre à nouveau !

Aujourd'hui, selon tes demandes, il faudrait que je quitte Eveil, la queue entre les jambes, que je suive les ordres de mon gentil berger, et que je rejoigne les autres moutons bien obéissants.

Je dis non!

Je refuse de suivre tes consignes. Et comme je ne peux plus te priver de cette victoire, je ta la rendrai amère à en pleurer !

Je resterais ici, et il faudra que tu te salisses les mains. J'ai refermé la porte de sortie vers Espoir, ce vulgaire couloir vers une autre mort, toujours plus lente, toujours plus servile.

Et qu'importent les conséquences. Qu'importe ma petite vie.. pourvu que les générations futures se souviennent, au fond de leur coeur, qu'il est possible de te dire non. Il est possible de te déstabiliser, et par conséquent il est possible que tu tombes un jour.

J'imagine que je ne verrai pas personnellement le jour de notre victoire. Tout comme des milliards d'êtres vivants, des êtres conscients et existants encore à cet instant, je risque de ne pas faire long feu, lorsque tombera ton masque de bienséance. Je sais que toutes tes politesses cesseront lorsque tu entameras ton apocalypse, et que tu sèmeras la mort de manière industrielle.

Tu vas me tuer. Tu vas tuer les quelques commandants qui restent.

Tu vas tuer un nombre incalculable d'êtres.

Puisque presque tous les autres n'oseront le faire, je t'annonce donc que tu seras coupable de meurtre...avec préméditation. Ainsi que d'esclavagisme au sens large. Mais cela ne me concerne plus, c'est réservé à ceux qui te jugeront, et qui sont encore à naitre.

Je n'ai plus rien à te dire, dieux, puisque de toutes façon l’intérêt tu portes à mes paroles est feint, dans le meilleurs des cas. Et que de toute facon tu ne t'abaisseras pas à répondre à un type déjà mort.

Je n'ai qu'une seule prière: qu'il y ait un autre monde après la mort, afin de pouvoir t'y attendre et de cracher sur ton fantôme lorsque ton heure sera venue.

Pour ceux qui vivront encore un peu plus longtemps, je souhaite juste beaucoup de courage, d'espoir à ceux qui seront notre futur, et qui ont choisi de vivre... à ma fille en particulier. Je n'ai pas d’amertume par rapport à votre décision. Je vous aime, et je souhaite que vous chérissiez en vous le souvenir de tous ceux qui vont mourir.

Et la prochaine fois que vous poserez le regard sur dieux, adressez lui tout le dédain qu'il mérite. Que sa victoire en Eveil devienne son fardeau... et qu'il l’empêche de triompher en Espoir.

Je ne vous dis pas adieu. Je vous dis: à nous!"