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Les forêts de Pompéï

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Cdt. Cothurnata Hulud
Respect diplomatique : 56

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07/06/1014 ETU 23:52
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I. Usque ad sideras et usque ad inferos (des étoiles jusqu’aux Enfers).
Centurio Vox n’aimait pas sa nouvelle affectation. Il ne pouvait supporter la forêt, ni la nature en général. Comme aucun Seigneur d’ailleurs. Elle était trop imprévisible et souvent indomptable, grouillante de vie qui ne voyait pas de finalité, de but ultime. Si on ne pouvait pas lui imposer sa domination, d’une quelconque façon, cela ne valait pas la peine. C’était sans doute là la raison de leur envol vers les étoiles, l’envie de conquête et de soumission, mais c’était un désir que chaque commandant partageait, qu’il soit conscient ou non. Vox préférait pour sa part parcourir les paysages à bord d’un vaisseau de métal. Tout était plus froid, plus calculé, plus solitaire et pourtant tellement intégré à l’univers. Hulud le savait pertinemment.
S’il l’avait placé là-bas, c’était pour prouver deux choses : d’une part, qu’il était à même de s’occuper de la gestion de la capitale et des Réceptacles de Sheer, et d’autre part, que Vox, malgré ses réticences, pouvait et devait adapter ce monde au besoin des Seigneurs. Silva Pompéi n’avait pas été choisi au hasard pour servir d’Ambassade Sectorielle ; l’imaginaire collectif et inter-espèces préférant largement les forêts calmes et apaisantes, sentant bon la rosée et le bois vivant aux premières lueurs du matin, plutôt que des cieux pollués, rongés par les pluies rouges et acides, et majoritairement urbanisé pour discuter politique. Enfin, politique si au moins il avait eu quelques diplomates pour converser...
La pyramide de verre était incroyablement vide, occupée seulement par un spectre de glace immobile. Tout était silencieux, paisible. Tout juste entendait-on des annonces dans les salles de l’étage inférieur, réservées aux échanges technologiques. Au dehors, quelques bandes d’oiseaux immenses et impressionnants allaient et venaient, leur quiétude troublé par les vrombissements des moteurs stellaires. Les yeux perdus dans le vague, dans ce qui se rapprochait le plus du sommeil, Vox prit quelques minutes de réflexion.
Son regard se porta alors inévitablement sur les colons travaillant à la démolition à quelques kilomètres de là. Une immense portion de la forêt était en train de s’embraser pour faire place aux nouvelles infrastructures de la ville. Aucun autre moyen n’avait été envisagé pour débuter la construction, le feu primaire et primal étant la solution la plus rapide et la moins couteuse. Il aurait adoré marcher parmi les colons, voir le feu craché par les lance-flammes, léchant jusqu’à la cime des arbres centenaires, brulant jusqu’à la chute et la destruction totale et définitive. Une allégorie de la vie et de la mort, voilà ce que cela lui inspirait. On incendiait des branches et des bourgeons magnifiques, on déracinait son tronc brulé et coupé, on arrachait les racines profondément ancrés dans le sol, pour tout recouvrir de béton et d’acier fraichement fabriqué dans les forges. Bientôt une nouvelle ville émergerait de ce cratère fumant, et de la vie humaine et extraterrestre prospérerait à l’intérieur, avec joie, peine, envie…
Mais son rôle, comme le lui avait expressément demandé le Dominus était de rester dans sa tour et de représenter les Réceptacles de Sheer et de gouverner ce monde. Et cet air frais, saturé d’un oxygène pur et sans pollution lui donnait finalement que de trop nombreux maux de tête. Son crâne et tout le pouvoir qu’il renfermait ne pouvant être mit en danger pour des…caprices personnels.
Il fit un plongeon dans sa mémoire, la vision des flammes lui rappelant ses primes années sur Domina Sanguis. Perdu dans quelques pensées agréables pour quelques minutes seulement, il fut tiré de sa chute intérieure par des piaillements dans le couloir à droite. Au loin, l’étrange ballet de canadairs s’était interrompu, la forêt s’embrasait de plus belle. Les colons avaient perdus le contrôle, par la faute d’une atmosphère saturée de dioxygène et d’un manque de prudence apparent. Les flammes, hautes de plusieurs centaines de mètres, dépassaient déjà allègrement les plus hautes cimes des arbres. L’un des canadairs, pris par ce tourbillon de chaleur, perdit le contrôle et fut englobé dans une gigantesque gerbe de flammes, semblable au Soleil. Puis un second perdit le contrôle et vint s’écraser dans une partie de la forêt encore intacte. Puis un troisième et un quatrième. Les autres vaisseaux choisirent alors de battre en retraite, et prirent la direction des étoiles.
Vox se leva d’un mouvement rapide et silencieux de son siège, son long manteau blanc virevoltant, et s’approcha de la vitre de transparacier. Les oiseaux géants, qui jusque-là étaient très calmes, s’envolaient désormais par nuées entières. Les arbres tremblaient par la fuite des animaux arboricoles. Derrière lui, le léger sifflement d’un panneau coulissant se fit entendre. Un Oculus se tenait debout, visiblement perturbé et inquiet. Le regard abattu, le dos courbé et ses serres tremblantes. Il n’avait pas besoin d’émettre un seul son. Vox pouvait déjà le sentir. Il le savait déjà à vrai dire, avant que le rapace en costume rétro ne fasse son apparition. « Nous avons perdu le contrôle, Maître. C’est inarrêtable maintenant ».
Un véritable mur de flammes, tout droit sorti du royaume d’Hadès des livres anciens lui faisait bientôt face. S’étendant de tous côtés, la fournaise progressait rapidement, dévorant chaque arbre de la forêt. Se rependant comme une peste, le rouge remplaça complétement le vert du paysage, l’air était imbibé de cendre et de chaleur suffocante.
Ils restèrent là pendant un moment, hors du temps. Le Maître et le soumis, égaux face à la brutalité de la nature. Unis dans le respect de l’Enfer, de l’autre grand Dévoreur rouge. Puis, dans un mouvement gracieux, il tourna le dos au bucher et passa par l’ouverture, l’Oculus à sa suite. Dans le couloir, Humains, Rapaces, Entités s’affairaient, criant, beuglant des ordres dans des com à des subalternes dépassés par la situation. Le couple continuait cependant d’avancer, sans se soucier des drames alentours. Ils rejoignirent bientôt un exigu pod de secours : l’Oculus prit les commandes tandis que le Seigneur s’attacha au siège passager situé à l’arrière de la boite de conserve. Les réacteurs se mirent en branle et l’expulsion se fit bientôt par le côté droit de l’hyper-structure.
Pendant les longues minutes de sortie d’atmosphère Centurio se tenait parfaitement immobile, solidement harnaché à un siège Adaptare, les mains à plat sur ses genoux : il ne semblait nullement balloté ou incommodé par les secousses du pod, jusqu’à l’arrêt des moteurs, immédiatement remplacés par des voiles solaires. Une conception antique mais rigoureuse.
Laissé derrière, l’Assemblée était la seule chose qui tenait encore debout dans la région. Sa taille, il est vrai jouait considérablement en sa faveur. Elle semblait ne plus toucher terre, entourée comme elle l’était par la fournaise des arbres. La suie commençait à noircir le blanc ivoire de la tour, puis sous l’effet de la chaleur, les vitres de transparacier, pourtant capables de supporter quelques milliers de degrés, explosèrent. Les plaques de métal se gondolèrent puis le mobilier et l’intérieur entier du bâtiment s’embrasa, de même que les misérables encore piégés à l’intérieur.
La retraite. C’était cela le caractère indomptable de la nature que détestaient les Seigneurs. On pouvait arrêter une flotte, broyer une planète ou un commandant dangereux, mais la nature...Oh, la nature…Jamais ! On y était toujours soumis, bien qu’étant maître de tous les peuples !
La mort était passée très près. Trop près. Le spectre blanc tourna lentement la tête sur le côté pour contempler le désastre par les hublots de sécurité. C’était les forêts de Pompéi, brulant devant les yeux de Centurio. Devant les yeux du Sang.
(A suivre...)
Cdt. Cothurnata Hulud
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10/06/1014 ETU 22:13
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II. Ignis furor brevis est (Le feu est une courte folie)
Depuis quelques jours, Vox était hypnotisé. Les holocoms s’entassaient dans sa console de commande, et hors cas exceptionnel, se retrouvaient sans réponse. Les Oculus à son service avaient reçu ordre de ne pas le déranger et de détourner toute source de distraction de son bureau.
Le « Tempus Fugit », sa station spatiale personnelle était déjà en orbite avant l’incendie, et s’est tout naturellement vers cet endroit qu’il s’était dirigé lors de son rapatriement. Elle renvoyait une bonne partie des rayons brûlants, le faisant passer de loin pour une lune de feu.
Le bureau était sobrement décoré et entièrement blanc, du sol en métal au plafond. Çà et là, des socles exposant des objets d’arts provenant de différents mondes égayaient la pièce monochrome. Mais l’intérieur renvoyait une fausse impression de sécurité : l’intensité du feu Pompéien était telle que, même avec les vitres de transparacier réglées pour absorber la grande majorité du rayonnement, la pièce entière était inondée d’un air étouffant et de lumière aveuglante. On aurait pu se croire transporté sur la surface de la planète, à même la cendre brûlante.
Après son départ forcé de Pompéi, c’était toute la planète qui en était venue à s’embraser. L’air gonflé d’oxygène et les forêts recouvrant les neufs dixièmes de la surface ayant beaucoup aidés à cette combustion. Désormais, toute semblait consumée : les flammes continuaient de brûler avec intensité, et même de l’espace, avec une vue globale de la catastrophe, l’on ne pouvait distinguer aucune parcelle, même la plus petite, ayant échappé au brasier.
Tout avait disparu en moins d’un cycle standard : les arbres, les animaux, les infrastructures, les colons malchanceux. Même Maris, l’unique océan de ce monde, semblait avoir perdu la partie. Les flammes consumant lentement l’atmosphère.
Mais Vox était toujours là, face au plus grand cataclysme auquel il avait pu assister par ses yeux. Son masque de Sang à quelques centimètres seulement de la vitre en fusion, les flammes exécutant leur langoureuse danse sur son semblant de visage. L’extrême chaleur qui régnait dans la pièce, ne lui apparaissait que comme une douce caresse. Comme si le Feu avait décidé de le serrer tendrement dans ses bras, son cœur de flammes battant à l’unisson avec celui de glace du Seigneur. Il s’imaginait volant, observant, plongeant dans le cataclysme pour en ressortir indemne, et avec la connaissance de l’Univers, de la Vie. De la Mort.
Derrière lui, une porte s’ouvrit dans un sifflement caractéristique : deux Oculus encadraient un prisonnier Xioji, croisement d’humain et de serpent à six bras, puis l’abandonnèrent sur le sol. La porte se referma, tandis que le prisonnier se traina à genoux sur quelques mètres, la face embrassant le sol illuminé. Il avait visiblement laissé quelques plumes dans le brasier : les bras inférieurs étaient carbonisés, de même qu’une partie de son thorax. Un harnais médicinal lui avait été fixé sur sa chair brûlé, mais on lui avait refusé tout anesthésiant. Ordre de Vox.
Une fois à environ 5 mètres de l’ombre blanche, qu’il n’arrivait pas à distinguer face à la lumière, il se mit à parler. Sa voix était chancelante, et comme brisé par la tonne de suie qu’il avait dû avaler.
-Alors ?
-Maître…les autres colons…ils n’avaient pas reçus les nouveaux ordres…
-Pas reçus ?
-Pas compris plutôt…ils…on…a allumé d’autres feux, dans d’autres sites. On n’avait pas de vaisseaux disponibles pour retenir le feu, mais ça s’annonçait pas mal, non ça s’annonçait pas mal… Alors on a mis le feu à d’autres bandes de forêts. Le feu mangeait suffisamment de forêt, et on s’était dit qu’une plus grande surface vous ferez plaisir.
L’individu se tu soudain dans un étranglement. Du sang s’écoulait de ses oreilles, yeux et bouche, les bras légèrement en croix. Son visage déformé par la douleur, un cri monstrueux sortit de sa poitrine tremblante. Puis, son hurlement prit fin de manière pathétique, et il s’écroula bientôt sur le sol, comme un vieux tas de chiffons. Vox était resté comme à son habitude impassible, et n’avait eu nullement besoin de le toucher pour lui faire subir les pires atrocités. Généralement, il évitait les exécutions sommaires : il avait toujours préféré voir ceux qui l’avaient déçu partir pour les centres de reconversion et en ressortir pour servir au mieux les intérêts du Sang. Œdipe aurait adoré cet endroit; là-bas, le sourire était réellement obligatoire !
Vous voilà frappé par la colère divine ! Son corps n’était peut-être pas celui d’un guerrier, pas celui d’une masse de muscles chassant toutes les nuits le gibier. Sa toge ridicule pouvait s’abattre au moindre coup de glaive, au moindre tir de laser. Seulement, pour réussir cet exploit, encore fallait-il pouvoir s’approcher de cet avatar de la mort voilée sans perdre la raison, voir sa cervelle exploser ou son arme retourner contre soi. Il n’avait même pas eu besoin de se retourner pour accomplir ce geste, mais seulement à penser. Cependant, il ne pouvait s’empêcher de se souvenir des dernières paroles du Xioji.
Me faire plaisir…me faire plaisir…après tout, c’était bien leur rôle de me faire plaisir…un cadeau…me faire plaisir… Ces quelques mots vinrent tourner dans son esprit pendant un moment, puis s’en allèrent. Toute son attention était réservée au Monde-Brasier, et rien ne devait venir le perturber.
Un petit cri distinctif d’un Oculus se fit entendre. Bien que le simple mortel ne pouvait le comprendre-ce qui était bien pratique-, Vox su qu’il voulait s’entretenir de l’unité coloniale du cadavre derrière lui. 200 hommes et femmes, tous bons et loyaux. Simplement emportés par le tintement de la folie, par la ridicule envie de mieux faire.
-Envois-les en reconversion dans la Demeure. Dites à mon Frère qu’ils s’offrent en cadeau et brûlent d’impatience d’approcher sa divine figure.
La Demeure…le centre de reconversion personnel d’Hulud, son lieu de vie. Et de nouvelles sources de joie. Cependant, Centurio ne pouvait s’empêcher avant de retourner à la complète contemplation de ce qu’était devenu la planète pour les esclaves, mais aussi pour ses Frères.
Un échec ? Ah ! Jamais d’échec ! Un revers ? Non plus. Des centaines de vies venaient d’être sacrifiés sur les champs de cendres brulant et les milliers de survivants, mais cela importait peu. D’autres étaient constamment sacrifiés pour des motifs futiles, aux quatre coins des Réceptacles de Sheer.
Alors que représente Silva Pompéi ? Que représente le Dévoreur rouge, perpétuellement en festin infernal ? Un cadeau. Le plus merveilleux des cadeaux. Il ne pouvait que remercier le cadavre du Xioji pour cela. Sans doute le meilleur de ces serviteurs depuis bien longtemps. Depuis bien trop longtemps.
(A suivre...)

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