Elle se sent épuisée. Tant de choses se sont produites ces derniers temps. Elle ne rêve que de calme et de solitude. Mais, cela devra attendre, elle a encore pas mal de lecture devant elle et puis y'a cette rencontre qu’elle doit organiser mais elle ne sait pas trop où.

Alors elle fait venir son conseiller, parce que bon, un conseiller, c’est sensé conseiller sur tout non ?

Il arrive avec empressement dans son bureau, légèrement inquiet car l’appel de Louise parlait d’une question d’une importance vitale.

Elle lève distraitement les yeux de son écran à son entrée, abandonnant pour un instant la lecture de ses comx.

Il la regarde d’un air désespéré, une question de vie ou de mort vraiment ? Bon dieu, mais qu’est-ce qui ne tourne pas rond chez elle en ce moment franchement ?

Il esquive aisément le stylo qu’elle vient de lui lancer à la figure.

Elle lui lance un regard noir.

Elle le congédie d’un geste de la main accompagné d’une moue boudeuse. Elle retourne à sa lecture et à ses interrogations.

Plus tard.

Elle se faufile dans un bar animé du secteur 5 qui lui a été recommandé avec 98, 4% d’avis favorables sur Apoogle.

Elle a choisi une tenue toute simple et passe-partout qui n’attire pas l’attention, jean-tee-shirt noir. Ce soir, elle voudrait tellement pouvoir être Louise, juste Louise.

Confortablement installée dans un fauteuil douillet, elle attend son invitée avec impatience en savourant un chocolat chaud.

Le barman l’a regardée d’un drôle d’air en entendant sa commande. Mais, elle n’allait pas commencer à boire tant que son invitée n’était pas là tout de même ? Et puis, elle a du mal à se réchauffer ces derniers temps, alors elle serre la tasse entre ses deux mains pour en aspirer la chaleur et en apprécier le parfum. Elle ferme les yeux. Tant de choses la préoccupent.

Elle lui tend la main et lui sourit, hésitante. Elle est un peu impressionnée, elle la trouve si sûre d’elle, cool, dure aussi. Comme elle aimerait lui ressembler au lieu d’être… elle.

Elle est sûre qu’Aldi s’inquiéterait de savoir qu’elle a accepté cette rencontre. Il craint toujours que sa naïveté ne l’entraîne dans des situations pas possibles (à raison bien souvent). Mais, elle a tellement tellement envie de faire de nouvelles connaissances, parce que, faut bien reconnaître que ses relations avec les natifs de cette galaxie ne sont pas exactement super… Elle est passée pas très loin de la mort plusieurs fois. C’est vrai qu’elle reste désespérément bloquée au chapitre 1 de l’ouvrage : « Les bonnes relations diplomatiques en 10 leçons pour les nuls ». Pour dire, même Aldi avec ses bombardements atomiques, il est plus diplomate qu’elle !

Ceci dit, vu l’accueil que leur a réservé Aldi, c’est pas sûr sûr que les nouveaux aient trop envie de faire gentiment connaissance, reine de la diplomatie ou pas.

Quel sujet de conversation aborder, avec quelqu’un qui se fait détruire ses vaisseaux plusieurs fois par cycle par son propre allié ? A coup sûr, c’est la 11ème leçon qu’est même pas dans son bouquin !

Bon alors, de quoi parler. De son installation ici ? Mauvaise idée.

De ses anciennes galaxies ? Bof, sujet bateau.

Elle ne voit qu’une seule solution, qui plaît à tous les coups, dire du mal des autres !

Elle a un sourire contrit.

Elle penche la tête vers sa tasse, se rend compte qu’elle est vide.

Nouveau sourire hésitant.

Elle fait signe au serveur.

Son cocktail est servi dans un magnifique verre à paillettes, sa couleur flamboyante attire les regards et fait saliver à l’avance. Elle en boit une gorgée et fait la grimace. Elle regarde son verre en soupirant.

Elle a bien sûr eu vent des projets d’Aldi pour les nouveaux arrivés et elle se doutait que si l’annonce se faisait maintenant, cela n’augurerait bien de bon pour la suite de la soirée. Elle s'était même attendue à une réaction beaucoup plus violente à vrai dire. Aurait-elle pu convaincre Alderak de revoir ses plans à la baisse niveau cruauté ? Qui sait. Pourquoi n’a-t-elle-même pas essayé ? Parce qu’il est le seul à avoir toujours été à ses côtés, là pour la protéger, pour l’aider, lui dire toujours la vérité aussi dure et cruelle soit-elle. Alors au fond d’elle, elle est persuadée que sous sa cruelle capuche, se cache la personne la plus honnête et sympa de cette galaxie et que grâce à lui tout finira toujours bien, même ses plans les plus tordus au départ. Opinion curieusement très peu partagée par les autres ? Bon, faut bien reconnaître que niveau plan tordu, il a tout donné pour les nouveaux arrivés.

Elle ajoute dans un murmure pensif.

Un éclair de tristesse passe dans son regard, elle secoue la tête comme pour le chasser.

Elle fait signe au serveur pour qu’il lui apporte une autre boisson, un truc fort pour réussir à se détendre, parce que c’est pas avec son alen là qu’elle y arrivera.

Ralalala, elle qui rêvait naïvement d’une soirée détendue loin de la vie politique, elle en est encore pour ses frais. Oui, c'était évident dès le départ vu la situation actuelle, mais pffff, c'est énervant, pis Aldi avait encore raison, gnagnagna.

Faut vraiment qu'elle arrête ces soirées dans les bars où il faut faire attention à tout ce que l'on dit, et qu'elle se contente des soirées de vieille fille à tricoter au coin du feu avec ses cinquante chats autour d'elle. Là, le plus gros risque, c'est de se faire griffer.

Elle lit encore une fois le court message : Base installée, sécurisation terminée.

Elle se lève et tourne sur elle-même pour partager la bonne nouvelle avec… ha bah personne. Elle se rassoie. Elle n’avait pas fait attention à l’heure, tout le monde est parti depuis longtemps. Les autres ne semblent pas partager son enthousiasme vis-à-vis de l’expédition. Faut croire qu’ils préfèrent tous les opérations commerciales bien juteuses à la poursuite de chimères.

Elle soupire. C’est dans ces moments là que sa solitude lui pèse le plus. N’avoir personne avec qui fêter les événements importants, quelqu’un qui pourrait comprendre ses rêves, ses doutes, ses peurs (ou au moins faire semblant !).

Elle pianote rapidement sur sa console pour envoyer un comx à Ludmila afin de l’informer de l’avancée de ses recherches. Une curieuse personne que cette Ludmila. Une vraie militaire, plus cliché que cliché. Elle semble si rigide, froide, ça doit pas rigoler tous les jours à la maison avec elle !

Elle repousse la console loin d’elle. Bon, que faire maintenant ? En tout cas, elle n’est pas envie de rester passer une énième nuit à son bureau à guetter des rapports et des messages. Alors elle attrape sa veste pour rentrer chez elle. Marcher lui fera le plus grand bien.

Elle n’est pas spécialement pressée d’aller dormir. Elle fait des rêves depuis quelque temps, des rêves bizarres, des rêves bien trop réalistes, qui la mettent terriblement mal à l’aise lorsqu’elle se réveille et dont les images lui restent en tête une grande partie de la journée. Non, se retrouver seule et dormir n’est définitivement pas ce dont elle a besoin ce soir.

Inconsciemment ses pensées et ses pas l’ont conduite vers son bar habituel. Elle rougit en repensant à ses exploits de la semaine précédente. Elle hausse les épaules, un verre, ça peut pas faire de mal ? Et ça l’aidera sûrement à dormir sans faire ces foutus rêves.

Elle entre, rejoint rapidement la salle au calme et se plante devant le barman.

Elle regarde un peu surprise.

Il lui fait un clin d’œil taquin et mime des pas de danse très équivoques.

Il rigole et place deux verres devant elle.

Il continue à rigoler.

Elle prend son verre, lui fait une grimace et s’en va se trouver un fauteuil isolé.

En passant, elle jette un regard à la fille que lui a désignée le barman, sa tête lui dit quelque chose, mais impossible de savoir où elle aurait bien pu la rencontrer. Pourvu que ce ne soit pas la semaine précédente… Mince, sans s’en rendre compte, elle l’a regardée trop longtemps et l’autre s’en est aperçue. Dans le doute, elle fait un signe de la main pour la saluer, histoire de ne pas paraître impolie.