Le silence s’était installé en chaque interstice de la Galaxie. Loin du tumulte des guerres ou des essors de paix, il ne charriait plus que la matière inerte. 

Apposait son lit de poussière sur les consciences et les excroissances des structures, Silence avait pris il y a déjà longtemps la majuscule qu’il méritait. Epidémie endémique ? Plongeon brutal des pieuvres politiques ? Plus personne ne se posait la question désormais. Tous s’étaient retrouvés face à des pièces de plus en plus petites, d’horizons sans cesse rétrécis, poussant la moindre peuplade qu’à n’assurer sa survie quotidienne.

Beaucoup de Mondes Libres s’étaient vu livrer à eux-mêmes, fragmentés, là où ils livraient jadis par-delà la Galaxie toute entière. Les navettes se posaient de moins en moins fréquemment, les récolteurs abaissaient sans cesse les ratios, là la monnaie .io ne circulait déjà plus, ici était encore entretenu les amaigries réserves prisées des Vaisseaux Amiraux. 

Certes, subsistait encore des échanges intra-Libres, garantissant les ventres pleins et les mains occupées des citoyens qui ne se sentaient plus vraiment comme tels. Restait l’armée IO. Mais ces Hommes descendaient sur les mondes endotiques seulement pour dégourdir leurs pattes et leurs sexes, profitant de courts séjours pour y goûter toutes les richesses de ces terres devenant de plus en plus sauvages.

Valeo n’était plus vivant depuis longtemps. Comme tout le dernier état-major humain qui composait Io, il s’était fait aspiré par la démence de vivre dans la solitude galactique. 

L’Io était toujours leadé par les intras : dynamiques, informatiques, robotiques, nerveux. 

Dans un Vaisseau Amiral, chaque être est traversé par les phéromones ios. L’Io indexe les enjeux, distribue les taches, dispatche les fonctions, déverrouille les bugs, tourne en routine. L’Io ne fonctionne que pour la vie économique Galactique, depuis le début. Longtemps réduite à un bip mort de machine médicale, l’Io s’était mis en veille. Réduction des coûts, de l’énergie, des effectifs, moins plus moins toujours plus moins.

Mais un jour, au sein du Vaisseau Amiral IO 3435X ,

Gakkòn est posté à son bureau. Plongé dans son ioécran, au sens littéral du terme — dans sa capsule, modélisant son travail au plus profond de son corps, travaillant dans sa bulle 3D —, il calcule les perturbations du noyau galactique central. Excité pour sûr, il demeure le plus concentré du monde. Il est au première loge de l’Ouverture. Il n’avait jamais songé avant il y a quelques semaines qu’il pourrait contempler une floraison galactique. Résurgence n’était plus seule. C’est, quelque part, beau. Mais des milliards d’infras bouchent le canal. C’est trop. La pression de données est trop forte.

Il arrache son casque. Il doit souffler à plein poumon, reprenant la sensation d’être soudainement humain. C’est énorme, même pour lui tout seul. L’alarme retend après sa deuxième expiration. L’Io a identifié le problème : les extra-galactiques possèdent des technologies encore incompréhensibles. Les trajectoires de passages sont erratiques pour ses anciens systèmes de guidage. Beaucoup de brouilleurs analytiques déroutent le système central.

Il reçoit de nouvelles consignes claires : identifier le nombre de civilisations différentes et transmettre ses données au plus vite au groupe qui vient de se former avec d’autres ingénieurs d’autres VIO. Après tant de travaux de stases ou d’entretiens ronflants, il se sent vivant et voilà que tout le monde s’active comme lui. Il a le sentiment que tout le Vaisseau s’agite, que la fourmillière en alerte fait jusqu’à trembler le sol de l’immense carcasse. Et il n’est pas le seul à ressentir cela.

Les forces de l’Io sont réactivées.