Voir un fantôme de ses yeux éveillés, recevoir son message, est peut-être la chose la plus terrifiante pour un esprit humain. Par sa simple présence, celui qui est parti pour ne jamais revenir fracasse l'édifice fragile de notre logique. Le monde cesse d'un coup d'être cette illusion confortable d'un univers ordonné et rationnel ; il devient un abysse, un gouffre incompréhensible d'où peuvent surgir les cauchemars les plus horribles. Alors nous avons peur.

Ou bien, rarement, elle nous fait tendre la main vers l'abysse, pour voir. Moi je descends cet escalier, je veux être sûr du monstre...

Jeremiah. Aube se souvenait de peu de chose aux sujet de ce commandant. Sinon qu'elle l'avait appréciée. Par personnellement, certes, mais tout de même assez pour que le nom dépasse le stad de simple note en bas de page dans le livre de sa mémoire. N'était-ce pas lui qui, à un moment donné, avait proposé d'aider Verre de toute les façons possibles alors même qu'elle était en proie à ses premières difficultés ?

Ainsi, après une longue hésitation - il y avait beaucoup à faire. Et ses flottes était déjà dispersée dans l'espace à la recherche d'une disparue sans en ajouter un second en plus - elle se décida enfin à parler.

"Cap'taine." Aube. Bras croisés, l'air... Inquiète ? En tout cas elle ne souriait pas. "Je ne viens pas vous proposer d'informations, pour la simple et bonne raison que je n'en ai pas. Mais j'ai - peut-être - les moyens d'en obtenir. Verre... Verre a déjà dispersées des milliards, depuis la création de l'Enclave - en explorations diverses et variées. Nous traquons nos propres fantômes. Et on dirait bien que l'ami Raynes a décidé de rejoindre le catalogue des morts qui parlent." Elle décroisa les bras et l'espace d'un instant, le masque tomba pour révéler une certaine forme de frustration. "Des fantômes. Le Vide. Les cataclysmes. Les disparitions. Par l'Espace, qu'est-ce qui viendra ensuite ? Un nouveau Roi Écarlate ? Je vais vous le dire, Cap'taine : rien de bon, c'est la seule certitude. Verre fouille l'espace et continuera de le fouiller. Et si quelque-chose - quoi que ce soit - nous permet d'avancer un peu plus vers une élucidation du mystère, nous le partagerons. Vous avez l'esprit de l'aventure, nous avons la technologie et la méthode. Vous avez la débrouillardise et le courage, nous avons l'expérience et le sens du devoir. Si cela peut faire avancer les choses : nous n'avons qu'à nous coordonner. S'il se trouve parmi vos équipages quelques cap'taines acceptant de marcher avec les verres, je peux vous assurer qu'ils trouveront pour leur répondre multitude d'entre-nous prêts à faire de même. Et cette offre tient pour chaque capitaine, corsaire, gouverneur et commandant prêt à disperser quelques moyens pour chasser les spectres - ou plutôt l'ombre dans laquelle ils se nappent."

Aube. Elle avait observée le petit échange d'un air parfaitement neutre et s'était vaguement contentée de plisser les yeux, à quelques moments, avant de sortir du champ de sa caméra holographique pour revenir avec une tasse de thé dans une petite coupelle. Sans doute pour masquer - ou au contraire marquer - une éventuelle irritation, l'Impératrice de Verre suivit cette première phrase d'une longue, très longue gorgée. La tasse vidée, elle la reposa dans la coupelle, qu'elle déposa hors du cadre de l'écran, se tamponna doucement les lèvres à l'aide d'une serviette blanche, puis attendit trois secondes.

"Concernant les "méfaits" de certains, réduis aux néants par la construction de la politique galactique : j'espère qu'à l'ouverture de votre secteur, la vision des centaines de mondes en déclins laissé dans le sillage des "croques-mitaines" composeront un argument capable de vous faire revoir vos positions, au moins un peu. Du reste je partage naturellement votre enthousiasme pour la construction galactique. Cependant je ne m'étendrais pas plus en profondeur sur la question car, comme exprimé en préambule : là n'est pas le propos. Ce qui compte, c'est que nos nations peuvent utiliser leurs moyens comme elles l'entendent. Nos citoyens ont le droit de se porter volontaire, nos législateurs ont le droit de valider des budgets et nos amiraux de mener des expéditions. Dans le cas nous concernant, vouloir mélanger les initiatives de quelques commandants volontaires et l'ensemble de la politique galactique me semble - sauf votre respect - une façon de concevoir les choses ne pouvant au final donner lieu qu'à des sophismes. De même, croire que nos nations ne sont pas capable d'assumer tout à la fois quelque expéditions, recherches, et la construction de la politique galactique est à mon sens absurde : Nous menons des colonisations, du commerce, de la diplomatie. Certains font des guerres. Cela relève de la même organisation. Si nous pouvons faire l'un et pourtant participer activement à la construction galactique, nous pouvons étudier ce message et enquêter sur les nombreux phénomènes ponctuant l'existence d'Unité et demandant éclaircissement sans perdre pour autant notre temps.

Elle resta là, savourant vaguement la saveur de ses propres mots, puis se souvint subitement de l'intervention de Siam Petit-poil et pivota en direction du félin. Qu'elle salua largement, toute sourire.

"Et bien, le Cap'taine Tarba a bien résumé la situation : si vous voulez nous aider, nous l'accepteront avec grand plaisir ! Mais... Vous êtes en secteur fermé, et vos efforts s'y limiteront donc pour l'heure. En tout cas : bienvenue dans la communauté galactique !"