Sanguine applaudissait poliment. C'était le maximum qu'elle pouvait faire. Sa nature ne la poussait pas aux effusions, et elle ressentait peu de joie hors du combat. C'était comme si quelque chose, dans son cerveau, était mort. Une part pourrie, peut-être, qui refusait de fonctionner comme chez les autres, ne se concentrait que sur ses deux obsessions: l'Exécutrice Première, évidemment, et le pouvoir, par voie de conséquence. Ou peut-être que c'était plutôt le second qui amenait à la première.

Quoi qu'il en soit, la proclamation de l'ancien légat était positive. Positive pour sa chère leader, positive pour le secteur VI, qui s'organisait chaque jour un peu plus sous les modalités violentes et martiales qu'elle aimait. Alors Sanguine applaudissait.

En l'espace d'une poignée de cycle, elle avait fait évoluée la Garde Évolutive, une organisation de sécurité intérieure tout juste déployée en qualité de gendarmerie lors des campagnes coloniales, en une armée en bonne et due forme. Des milliers de ses sœurs, des centaines de milliers, même, étaient soudain passées de tuer des mutants et des "Autres" à des proies proprement humaines. Ce n'était pas une grande victoire : pour être parfaitement honnête, Sanguine estimait que n'importe quel ennemi organisé aurait écrasé le petit triumvirat dont était membre le Directoire. Trop désorganisé, trop lent à réagir. Mais leurs ennemis étaient à leur image, et le triumvirat engrangeait ses victoires. La gloire de l'Exécutrice s'en trouvait renforcée.

Soudain, la garde fronça les sourcils. Est-ce que cet homme venait de dire...

Oui, il avait bien pris la défense du secteur à sa charge. Que cette guerre, en quelques sortes, était sa guerre. Le sourire de la coquille s'élargit. Son regard avait désormais quelque chose de vitreux. Le caesar tirait la couverture vers lui, prenait plus de gloire qu'elle n'était prête à lui en laisser. Soudain, Sanguine se demande qui gagnerait, s'il devait y avoir une guerre contre ses sœurs et cet Empire.

Elle cessa d'applaudir, et porta une main à sa ceinture, pour triturer pensivement le demi-masque qui y pendait. Ses doigts se crispèrent un instant, puis elle acquiesça, retrouvant par la même l'expression détachée, presque ironique, qui passait pour normale sur son visage.

Oui. Après tout, il ne restait que le système 15. Celui où se déployaient ses petites gardes. Petites soldates de plomb qui reviendront bientôt couvertes de gloire et de sang. Elle acquiesça, très lentement. Le Directoire étendrait son autorité. Et ses ennemis finiraient sans doute dans une geôle obscure, tapissé de leur propre sang. Comme Veilleuse. Peut-être même qu'on retrouverait celle-là, en exil sur les mondes ennemis.

Elle se raccrocha à cette pensée. Quand le Caesar eut terminé, elle leva simplement une main dans sa direction. Le salut impérial et celui laissé par l'Omnimère à ses filles étaient curieusement similaire, à une exception notable.

"Heikki Omnim."