La salle des conférences galactiques est plus bondée et échaudée que jamais après le drame récent qui s'est joué, les tirs ADM qui ont frappé le secteur 6. Un événement qui, à l'Assemblée, a fait passer au second plan tous les autres sujets d'actualité. Les immigrés sont oublié, les candidatures pour la reprise de la capitale un peu moins… vraiment ? Olorìn parvient encore à mobiliser des bribes d'attention, et il y a fort à parier que tout le reste se joue en sous-main, dans le secret des com-X que seuls les espionnages et les délations peuvent perturber.

C'est dans ce contexte, qui ne s'y prête absolument pas, que les projecteurs se braquent soudain sur l'estrade et qu'une musique jazzy, digne des plus grands talk-shows de l'antique Amérique, salue l'arrivée du Prêtre. Le prétendu « John Doe » fait son entrée, propre et bien peigné, vêtu d'une soutane flambant neuve, la croix d'or à son col plus luisante que jamais. Il est même salué par une salve d'applaudissements… préenregistrée, car personne n'a l'idée d'applaudir un tel spectacle. Ou alors un cas isolé.

Il arrive à l'estrade, salue, et le silence se fait pour le laisser parler.

Il lève les bras et musique et applaudissements recommencent, avec des sifflets et des bravos — mais personne n'applaudit et personne ne siffle ; la salle serait plutôt consternée, ou un peu amusée.

Sourire Colgate et rires factices.

Et c'est un déchaînement d'ovations, des applaudissements à s'en rompre les mains, des cris d'amour à ce prêtre du Fun, le tout sur bande sonore. Plus loin, à la sortie de l'immense bâtiment, des militants distribuent déjà des badges FUN DREAM, des prospectus colorés (« Top 10 des raisons pour lesquelles le FUN DREAM est la solution ! La cinquième va vous tuer ! ») , des ballons et des barbes à papa à l'effigie du Fun Dream.

Le mouvement est en marche !

Mon Père a de nouveau loué la salle pour son meeting. Enfin pas mon père, le père. Enfin le prêtre. Enfin l'ex-prêtre. Enfin John Doe. Le faux John Doe… Oh et puis zut, débrouillez-vous.

La salle est bien plus peuplée que la dernière fois — les organisateurs avaient décidé que puisqu'un vrai public était trop cher, on remplirait les espaces vides avec des gens en carton. En utilisant des magnétophones individuels disposés derrière chaque siège plutôt que la sono générale de la pièce, l'illusion est presque parfaite. Si on oublie les visages dessinés aux crayons de couleur.

En tout cas, les applaudissements et les acclamations semblent bien plus réalistes !

Sous un tonnerre d'applaudissements enregistrés, tandis que le prêtre s'efface, elle s'avance timidement sur la scène. Elle est droite et bien habillée, un élégant costume-cravate qui ajuste son corps au Sérieux Professionnel™ qui sied si bien aux cadres, et que le vert de ses cheveux tirés en couettes vient contraster.

Quand elle est au centre de l'estrade et que les projecteurs viennent écraser sa frêle silhouette, elle se racle la gorge, tapote le micro, et demande d'une voix faible :