Ace était revenu rapidement dans la salle. Mais il n'appréciait pas la façon dont que la Néréide avait de le regarder. Il avait eu le temps de s'entretenir avec brièvement avec Iris. Et les informations étaient pour le moins troublante. Il n’existait pas de gardiens ni de choisis allant par le nom de C.

« Très bien, je me mets en route alors dès la fin de cette transmission. Concernant la personne allant par le nom de C, la Gardienne Iris est stupéfaite. Elle ne connait personne, parmi les anciens et les nouveaux choisi ayant ce nom. De la même façon, il n’existe aucun Gardien de sa connaissance répondant à ce patronyme. C n’existe pas.

Concernant la réaction de Boko, je ne peux la prédire. Mais s’il venait à entrer dans une rage folle alors nous avons de quoi le contenir. Une corde spéciale drainant les forces des Choisi. Il suffit qu’il soit en contact avec cette corde pour qu’il retrouve la force et les capacités d’un enfant de cinq ans. Une corde de ce genre vous parviendra bientôt. Une chacun. Il est possible que notre expérience tourne mal. Dans ce cas-là, je préfère être attaché. Je ne veux blesser personne. Si vous n’avez pas de nouvelles questions, je me mets en route immédiatement. »

Pas de C? Tiens donc...c'était pourtant bien une Choisie ou Gardienne qui s'était présentée à Takwin.

Intriguant.

" - Très bien...avec tous ces éléments en main, il n'y a pas de raison que la capture de Boko échoue à moins d'un imprévu. S'il y en a un...c'est là que l'expertise et l'expérience du KP doit faire la différence.

Vous pouvez venir, Spade. Nous sommes prêtes."

Amphitrite avait presque mis Origine Waters de côté dans sa tête. A l'abri de sa tablette, elle envoya, conservant son expression impassible, un message urgent vers Golem et le Syndicat Chimaera.

" - Pas de Choisie "C" connue. Identité de l'invitée de l'Assemblée de Takwin inconnue. Retenez-la chez nous, par la diplomatie ou le mensonge si possible. Autorisation accordée d'employer la force dans le cas où celle-ci deviendrait nécessaire."

L'appelé tirait une tronche de six pieds de long. Le ton affable et narquois du Directeur lui faisait hérisser le poil. Son rôle dans cette histoire ne lui plaisait pas. Il trouva étrange de pouvoir décider d'ouvrir le feu sur des soldats terrorisés qui battaient en retraite sans aucun état d'âme, et d'être révulsé à l'idée de tromper un petit mutant. Mais l'idée fila bien vite de son esprit : un Kommissar faisait.

Le Directeur fit un bref résumé dans sa tête de ce qu'il faudrait faire.

D'abord faire rencontrer ces deux-là. Quelque part d'assez loin de la Forêt. Quelque part qui pût échapper à son influence...

Bien. Ensuite, faire en sorte de simuler le plus parfaitement possible le meurtre de Leonardus Aurelius. Facile. Il n'y aurait qu'à, comme le soulignait la Néréide, prendre des uniformes Librians ; déguiser des Spetsnaz et leur donner les consignes adéquates. Ces gars-là savaient tout faire une fois les consignes données.

Puis il faudrait immobiliser le petit arbuste. Les Pro-Mécas avaient de quoi faire. Ce serait facile.

Enfin, Boko serait extrait vers Limni Dentro.

« Le plan est simple. Facile à exécuter. Nous ferons parvenir tout ce qu'il nous faut. (Il eut un large sourire, un sourcil levé, un regard plein de la malice du planificateur.) Kommissar, vous allez reprendre contact avec le petit Boko dès ce soir. Il doit se languir de votre réponse depuis son adorable dessin. Ne le faites pas attendre davantage. »

Leonardus eut une braise de colère dans les yeux. Et ma main dans ta gueule tu t'en languis, connard ? Il observa le Directeur ainsi, qui ne le regardait pas ; cet homme-là, pensait-il, avec sa haute stature et son air d'affabilité rusée, il ne perdrait rien pour attendre. Il se leva sans un mot et sortit, faisant voler son grand manteau de cuir noir comme une cape.

Putin continua cependant après que le Kommissar fût sorti.

- Souhaitez-vous envoyer ce message ?

- ... Oui.

- Message envoyé.

- Merci vaisseau. Dans combien de temps arrivons-nous ?

- Il reste vingt minutes et 29 secondes.

- Très bien. … Très bien.

Ace se leva. Le trajet était long à bord d’un vaisseau aussi petit qu’un Arkk, mais au moins il était discret. Il avait déjà la planète en vue. Belle, bleue, si on faisait abstraction des débris qui volait autour. Limni Dentro, anciennement appelée Aqua avait été cédée par la Forêt aux Néréides il y a de nombreux cycles de cela. Au moment de la seconde ouverture du secteur XI. Ace avait déjà rejoint les Pro-Mecas à ce moment, suite à la révélation de la Gardienne Châtaigne. Et à la dissolution d’Harmony.

- Vérification des coordonnées

- Coordonnées 25.69.1503

- Parfait. Merci. Bon, il ne s’agirait pas d’arriver au mauvais endroit. Aqua, enfin Limni Dentro est quand constituée d’un seul continent. D’un petit continent. La quasi-totalité de la planète est couverte d’eau. Un gardien avait vu jour sur cette planète. Avant qu’Alone & Cie ne décide de tous le tuer. Des petits êtres d’eau. … Mais tu t’en moques bien de tout ça vaisseau.

Ace retourna s’assoir. Vingt minutes, avant de débarquer. La prochaine fois qu’il remonterait dans ce vaisseau, se serait en humain ou en cadavre. Mais il valait mieux que ce fut lui que le jeune Boko. Il ferma les yeux pendant ce qu’il pensa être dix secondes. Ce n’est que la voix du vaisseau qui le réveilla.

- Nous sommes arrivés à la Coordonnées 25.69.1503. Procédure d’identification en cours. Procédure terminée. Mode furtif désactivé. Ouverture des portes.

- … Allons-y alors.

Ace attrapa ses affaires et descendit du vaisseau. Il avait atterri sur une plateforme spécifiquement créé pour les non-Néréides. Tout autour de lui, il ne put voir que l’océan. Rien d’autres. Il s’étira un peu, et respira un bon coup. Le vent soufflait fort. L’air est pur. Comme sur Origine. Mais pas comme le quartier des Pro-Mecas. Etrangement, je ne pensais pas que ça m’aurait autant manqué. Ni autant apaisé. En route mon petit Ace. C’est calmé qu’Ace Spade se dirigea vers l’ascenseur, et les tréfonds de l’océan.

Le plan d'enlèvement de Boko étant paré et Spade en route vers Limni Dentro, Amphitrite pouvait enfin souffler loin des yeux inquiétants de Tepes. En dépit de ce que celui-ci disait, tout n'allait pas bien...les informations anatomiques des Néréides sur la Forêt étaient erronées, et il y avait peu de chances que les Pro-mécas acceptent l'idée qu'il était possible de dialoguer avec la Forêt. Et le pire était qu'ils avaient peut-être raison...le plan partait du principe qu'il serait possible de l'adapter aux Humains une fois sous le contrôle des Eaux de Mars, mais après réflexion rien n'était moins sûr...le but du jeu était de maintenir la paix entre les deux camps sur Origine, mais comment faire s'il était impossible de faire entendre raison à un des deux? La Flotte Atlantis n'allait pas garder Origine sous contrôle éternellement...il fallait un plan de secours, rapidement, et sans possible concertation avec les Humains. Mais tout ce sur quoi elle pouvait se concentrer était la localisation du bar le plus proche, et d'une sirène accorte qui lui masserait les tentacules et lui ferait oublier ses problèmes pendant deux minutes...

Malheureusement, le Choisi avait fait vite, et il lui fallut dès le lendemain préparer une réception diplomatique, faire apprêter le dock réservé aux non-Néréides et le laboratoire, pour que l'expérience puisse se faire le plus vite possible. Quand Spade arriva en face de l'ascenseur, il ne fut accueilli que par elle-même et quelques myrmidonnes.

" - Ace Spade...ravie de vous rencontrer en personne. Bienvenue sur Limni Dentro.

- Seconde Amphitrite..., répondit le Choisi d'un air manifestement las. Il se foutait des courbettes. Parfait.

- Il est encore tôt...si ça vous convient, nous allons procéder aux tests aujourd'hui. Nous devrons juste procéder à un bilan médical, et à quelques prélèvements de peau, pour pouvoir étudier au maximum l'organisme d'un Choisi. Nos seuls échantillons viennent d'une Gardienne, comme vous le savez.

- Humpf...très bien.

- Nous pourrons ensuite vous infecter avec de l'Aqua Bello, en espérant que vous y survivrez...nous saurons alors s'il est possible de l'employer sur Origine en toute sécurité.

- Et pour rendre son humanité à Iris? Et aux autres? Vous n'avez pas intérêt à oublier ça...

- J'allais y venir. Si vous survivez à l'infection, et si vous le souhaitez...nous pourrons également procéder à la première Humanisation d'un Choisi. Je sais que c'est ce qui vous tient à coeur..., fit la Seconde avec un sourire charmant. Ça lui était naturel d'habitude, mais elle avait du se forcer.

- Bien..."

La Néréide trouva Spade un peu étrange. Il avait l'air vraiment désespéré par le risque qu'il prenait...rien d'étonnant, mais pourquoi s'était-t-il donc porté si vite volontaire dans ce cas? En repensant à l'assassinat de Châtaigne, et au fait qu'il avait servi la Forêt, elle conclut qu'il devait se sentir lourdement coupable...elle se promit de le traiter le plus "humainement" possible.

Le trajet en ascenseur fut absolument interminable. Celui-ci descendant très vite pourtant...Spade finit par demander, et eut du mal à masquer son effarement quand on lui répondit qu'il y avait l'équivalent de 1200 étages à parcourir de haut en bas. Il y réussit mieux pour ne pas montrer son émerveillement devant le bleu infini vers lequel la troupe chutait, mais la dilatation de ses synapses se sentait dans la Vague et il ne put tromper personne. La vitesse donna un côté irréel au plongeon, qui ressembla à l'explosion d'un monde en un autre. Désormais ils étaient dans le bleu même.

" - Est-ce que vous avez rencontré des...hum...des eaux étranges sur cette planète? Des eaux plus...agitées, que les autres?

- Non, rien de particulier...pourquoi dites-vous cela?

- Pour rien..."

Les Néréides n'avaient pas réveillé les Gardiens d'Aqua...tant mieux. Ou alors ils étaient vraiment éteints...

Vers la fin du voyage, le Choisi put distinguer pendant une ou deux minutes la ville des Néréides, étalée sur le fond marin comme un banc de coquillages. C'était vraiment à ça que ça ressemblait : un plancher de dômes blanchâtres peu bombés, en partie transparents pour certains, avec une vie fourmillant à l'intérieur. Tous les dômes étaient très espacés, reliés par des couloirs de verre, et la ville devait couvrir énormément de terrain...l'espace entre chaque dôme était presque entièrement vert, avec des lumières occasionnelles...Ace supposa que ça devait être de la flore abyssal. Il eut la surprise de voir quelques créatures marines humanoïdes d'un bon mètre, presque nues, collées à la paroi pour les observer.

" - Mais qu'est-ce que c'est que ces trucs?!

- Ces trucs, comme vous dites, sont des enfants en train de jouer...

- Ah..."

Passant en-dessous des dômes, l'ascenseur s'enfonça dans les profondeurs de la terre. Dès lors, on put observer que de la roche obscure et d'occasionnels étages brillants, passant bien trop vite pour en voir autre chose. Enfin, après un trajet de quelques minutes dans la roche, la course folle ralentit puis s'arrêta. Le groupe déboucha dans un couloir taillé en cylindre, parfaitement lisse, éclairé par des mousses luminescentes qu'il soupçonna d'être modifiées génétiquement pour éclairer autant. Il se sentait dans une espèce d'outre-monde très humide, et malgré son métabolisme amélioré, la pression lui faisait tourner la tête...un Humain se serait évanoui depuis longtemps. Il fut mené dans un dédale de couloirs aux couleurs étranges, où il n'aurait jamais pu s'orienter.

Enfin, on arriva dans le laboratoire. Une salle de la taille d'un gymnase, remplie de Néréides, la plupart assez petites, et de machines étranges, oblongues ou ondulées. Amphitrite le mena tout droit vers une salle isolée, sous observation de l'extérieur. Des gardes, les mêmes machines et fioles partout, mais surtout, juste au centre...

...la chaise. La chaise à lanières où il allait tout risquer.

Ace regarda la chaise. Amphitrite le laissa le temps de récupérer du matériel. Il se dirigea vers la chaise et s’y installa. Elle était assez confortable. En d’autres circonstances il aurait même pu envisager de s’endormir. Mais ce n’était pas le lieu, ni le moment. La Néréide revint vers lui, avec des instruments dans les mains.

- Comme je vous l’ai annoncé précédemment, nous allons commencer par quelques prélèvements de peau. Avez-vous une préférence sur la partie du corps à choisir ?

- Mon avant-bras gauche. Je veux que ce soit visible. Au moins le temps des tests. Ainsi, si jamais le doute venait à me prendre, je pourrais toujours me rappeler pourquoi je suis ici.

- Très bien.

Ace se laissa faire. Il ferma les yeux et se laissa aller contre le dossier. Je pourrais m’endormir finalement…

Amphitrite regarda silencieusement les scientifiques Polariens procéder au prélèvement de tissu sur la peau du Choisi. Ca faisait longtemps que les Néréides étaient habituées à récolter des données génétiques sur toutes les espèces qu'elles rencontraient, et le procédé était désormais complètement indolore. Sans ses perceptions de Choisi, Ace aurait eu du mal à sentir l'aiguille sur sa peau.

" - Désolée, mais ça ne laisse aucune trace. Votre ADN sera encodé dans l'après-midi, et nous pourrons le comparer à celui d'Iris, pour observer la différence biologique entre les Gardiens et les Choisis. Après ça, nous cultiverons en accéléré un organe de Choisi - votre propre petit clone de foie! - et nous testerons les Eaux de Mars dessus. Nous aurons tout de même besoin de réaliser un test sur vous, Ace, même en cas de réussite...mais en cas d'échec, et bien nous saurons que ça ne fonctionne pas et que ça vous tuerait. Et alors, il n'y aurait plus aucune raison de vous tuer, n'est-ce pas?

La Néréide faisait de son mieux pour rester charmante et amusante, mais y échouait complètement cette fois-ci...les expérimentations humaines étaient peu compatibles avec la joie de vivre.

- Je comprends. Ace garda le silence quelques secondes. Il sentait le malaise de la Néréide. Il décida d'y mettre fin. Vous savez, lorsque j'étais jeune, je pensais que la maladie et la guerre n'étaient que des fables inventées pour nous interdire de nous rendre en territoire inconnu. De nous rendre dans l'espace. Puis un jour, nous nous sommes ouverts à la Galaxie. J'ai vu les ravages causés par les brigands. J'ai vu des bébés mourir de ce que les autres appellent la maladie. J'ai vu des forêts calcinées, des animaux en voie d'extinction. Mais surtout, ce qui m'a choqué a été la haine. La haine des gens de l'extérieur. Je ne la comprenais pas. Mon premier voyage fut aussi le plus rapide. Je n'ai pas tenu une journée dans l'air pollué et l'ambiance haineuse qui régnaient. Je n'ai jamais été plus heureux de ma vie de rentrer sur Origine. Je suis ensuite devenu Choisi.

Amphitrite eut une expression amère.

" - Oui...le monde des Humains est décidément...pourri. Il n'y a pas d'autre mot. Mais ne vous leurrez pas...il n'y a pas que la destruction des libertés opérée par la Forêt que nous cherchons à stopper. Vous voyez, dans les mondes Humains, il y a effectivement des endroits beaux et harmonieux...les plus pauvres de ceux-là sont la source du bon en eux. Les plus riches et les plus opulents...ce sont ceux qui cachent les pires charniers. La Forêt est comme ceux-là...d'après l'histoire d'Origine, les Choisis, les Gardiens, sont tous apparus de façons différentes, progressives...le contrôle sur les humains n'a cessé de se raffiner. Et je n'ai pas besoin de vous rappeler ce dont Plantaeh est capable...c'est du sang qui coule dans la ramure de la Mère-Origine, en ce moment, et par torrents.

Ce que nous faisons là, c'est bien pour la paix, croyez-moi..."

Ace sourit faiblement.

" Oui. Je m'en suis rendu compte. Mon statut de Choisi a fait que j'ai beaucoup voyagé. J'ai participé à la prise en main de nombreux peuples. J'ai vu les effets positifs de la Forêt sur eux. Baisse du taux de mortalité lié aux maladies, baisse du taux de criminalité, ... Mais j'ai remarqué que les populations avaient une espérance de vie plus élevée. Qu'elles étaient plus libres de leur choix. J'ai remarqué qu'il y avait du bon aussi dans leur méthode. Je pense que je me suis éveillé, que j'ai pris conscience de ce que la Forêt nous faisait. Mais je n'ai pas réagit. Car je n'en voyais pas l'intérêt. Au choix, je préférais encore la vie sur Origine.

Ace regarda la Néréide dans les yeux.

Mais par dessus tout, ce que j'aimais c'était Iris. Pouvoir vivre à ses côtés. Je savais que c'était un tabou, c'est pourquoi nous avons caché notre amour. Mais la Forêt l'a découvert. Iris a été bannie à Tulah. J'ai du accepter le mariage arrangé avec Holy, mon amie d'enfance. Malgré tout, je n'aurai jamais pensé à quitter la Forêt. C'est l'action de Châtaigne qui m'a poussé à changer de camp. L'action de Châtaigne, et celle d'Holy. Et me voilà, aujourd'hui, loin de celle que j'aime. Loin de celle que j'ai trahi. Je ... Pensez-vous que j'ai fait le bon choix? Trahir la confiance du seul être que j'ai jamais vraiment aimé pour le bien de tous... Pensez-vous que nous y arriverons? Se battre contre la Forêt est-il vraiment la bon choix? Lorsque je regarde les évènements actuels, lorsque je regarde le fonctionnement de la Forêt, j'en comprends ses choix. Nous ne pourrons jamais vivre en paix. Nous sommes bien trop égoïste pour cela."

" - Egoïste...en effet. Vous êtes égoïste de vous battre avant tout pour elle, alors que des milliards sont en danger, par exemple. Ca ne veut pas dire que c'est mal. Et c'est elle qui est l'origine de ce projet...elle qui désire s'émanciper de la Forêt, devenir Humaine. En vous battant contre la Forêt, vous ne la trahissez pas, bien au contraire. Être fidèle à quelqu'un ne signifie pas nécessairement le protéger directement. Nous aussi, nous comprenons les choix de la Forêt...mais aujourd'hui ceux-ci vont à l'encontre de l'intérêt des Humains comme d'elle-même. Ils vont contre ses buts...elle ne vaut plus beaucoup mieux que les Humains. Nous ne pourrons peut-être jamais vivre en paix, mais ce qu'apporte la Forêt n'est pas la paix. Et même si nous ne pouvons pas vivre en paix, nous pouvons vivre libres.

Mieux vaut être libre qu'en paix. Si nous étions soumis à Libria par exemple, nous ne serions pas libres, mais nous serions en paix. Est-ce pour autant préférable d'être soumis à Libria? Non. C'est pareil pour la Forêt."

Ace soupira. Puis il regarda son bras.

"Avez vous fini? "

" - C'est déjà fini. L'anesthésiant vous a fait perdre votre attention? Les laborantines sont déjà reparties les analyser.

Ace constata qu'il était en effet seul avec la Seconde Atlantéenne. Elle cligna lentement ses trois yeux noirs...chaque mouvement de son visage faisait onduler ses étranges peintures violettes, le long des tentacules qui lui servaient de chevelure.

" - Vous avez quartier libre jusqu'à ce soir, mais restez dans le centre de recherche. Les villes Néréides sont bien plus spacieuses que les villes Humaines, et les villes Humaines ont bien plus de place que celles de la Forêt. Vous n'auriez aucune chance de ne pas vous perdre. Le centre lui-même est vaste, vous avez de quoi vous engouffrer un dernier repas qui vous donnerait une indigestion même à vous, il y a un espace résidentiel complet, de quoi vous connecter aux informations Abyssales et communiquer...à votre guise, Ace. Profitez."

Quelques jours plus tôt sur Origine...

Boko courrait aussi vite qu’il le pouvait. Il alla rejoindre le Gardien Hêtre, tout excité. Il manqua presque de se prendre la porte de la salle d’envoi des ComX. Il l’ouvrit de toutes ses forces, la dégondant presque. Le vieux gardien fut surpris de l'arrivée du jeune choisi. Celui-ci était tout essoufflé.

- He bien mon enfant. Que se passe-t-il ?

- J’ai... J'ai eu l’autorisation !

- Reprend ton souffle. Quelle autorisation ?

- Je peux rencontrer Leonardus Aurelius, et visiter ses mondes. Enfin, juste un. Mais c’est déjà ça ! Donc j’ai besoin de toi pour envoyer un ComX s’il te plaît !

- Vraiment ? Plantaeh a autorisé ça ? Etrange… Monte sur mes genoux alors.

- Merci !

- Bon, quel est le contenu du message ?

- Euh, voyons. Oui !

Boko tapa le texte, qui fut ensuite corriger par le gardien. Rendant le contenu un peu plus correct, et rajoutant certaines informations données par Plantaeh. Le message final était le suivant :

-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

« Notre Mère Origine vous salue.

Monsieur Leonardus Aurelius, la Gardienne Plantaeh et moi voulons venir visiter la jolie Forêt dont vous nous avez montré la photo et vous rencontrer. Quand le pouvez-vous ? J’ai hâte de vous voir.

Boko.

Komissar Leonardus Aurelius, ici le Gardien Hêtre. Je me permets de mettre quelques informations supplémentaires quant à la venue de Boko et de la Gardienne Plantaeh. Notre sœur ne pouvant quitter Origine, elle accompagnera sous forme holographique le Choisi. Il semblerait qu’elle désire prendre des vacances. Ainsi, le jeune Boko sera entre vos mains pour une période de trois jours et deux nuits. Il sera accompagné de transmetteur holographique portatif. Une petite machine volante comme celles que vous avez pu voir à l’Assemblée Galactique. C’est ce transmetteur qui permettra à la Gardienne Plantaeh de voir et d’être vue depuis Origine.

Je reste à votre disposition pour toutes questions supplémentaires.

Notre Mère Origine vous salue. »

Gardien Hêtre, Responsable Diplomatique

-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Secteur XI, Système Zéro, République Rouge Confédérée de Sinê II. Spatioport de Chengshî Xianjîng. 10:00:36.

***

C'était la première fois qu'un représentant de la Forêt, si l'on pouvait désigner le petit Boko par ce titre, se rendait sur un monde Confédéré. Un ordre spécial était venu s'ajouter aux prérogatives du KP dans cette rencontre, qui provenait de l'institution que personne n'avait dans l'idée de contredire ; du Bureau du Premier Confédéré. « Faites les choses en grand. »

Et c'était ce que les Kamarades travailleurs avaient fait. Un tapis rouge, des bannières écarlates arborant le bras et l'étoile, des fleurs, des hôtesses prêtes à accueillir les arrivants avec les plus charmants sourires que la Mère-Patrie pouvait donner, une haie d'honneur de Kamarades Soldats. Au milieu de tout ça, le Kommissar Leonardus Aurelius dans son uniforme en cuir noir. Qui se demandait si ce n'était pas un peu trop pour souhaiter la bienvenue à un gamin de cinq ans...

***

***

Quand il y pensait, il se sentait assez mal à l'aise. D'un côté, il ne reculait devant rien, absolument rien, pour servir les intérêts de la Mère-Patrie et du Très Glorieux Peuple Confédéré. De l'autre, le petit Boko avait réussi à... comment dire... l'attendrir. Pourquoi s'être entiché d'un impitoyable Kommissar qui assumait pouvoir faire sans sourciller d'horribles choses ?

Pendant qu'il attendait que le vaisseau se posât, il ne pouvait s'empêcher de sentir le goût de vinaigre que lui donnaient les regrets. Pauvre petite chose ; le tromper comme ça, c'était proprement dégueulasse.

Mais un devoir était un devoir. Il jouerait son rôle jusqu'au bout : faire semblant de mourir devant Boko pour assurer que la couverture de la Mère-Patrie dans cette histoire ne fût pas levée. Et puis ce n'était pas comme si ces foutus gars du KP allaient le blesser lui, Leonardus Aurelius... pas vrai ?

Le vaisseau s’approchait du lieu de rendez-vous. Boko au début plus excité que jamais, commençait à être nerveux. Et si le Kommissar trouvait son apparence bizarre ? Et s’il ne l’aimait pas. Et si… Plantaeh garda son calme et fini par lui intimer le silence. Qu’il ne saurait rien avant de le rencontrer, et qu’il était inutile de se poser ces questions. Le jeune choisi se tenait silencieux depuis. La Gardienne eut un petit regret à lui avoir parlé ainsi, mais rien ne semblait calmer l’enfant.

- Attention, nous entrons dans la dernière phase d’atterrissage.

- Boko, attache bien ta ceinture. Tout va bien se passer, il va t’adorer.

- Oui Plantaeh.

C’est sans difficulté que l’Arkk se posa sur le sol Confédéré. La porte s’ouvrit enfin.

Planteah, descendit la première, Boko dans son giron. Ils furent accueillis par le bruit des soldats qui se mirent au garde-à-vous à l’unisson. Devant la réception organisée par les Confédérés, elle ne put s’empêcher de sourire intérieurement. Joli accueil. Voici le Kommissar. Allons à sa rencontre. La Gardienne s’avança sur le tapis rouge, au milieu des soldats en armure. Sans le petit drone qui volait au-dessus de sa tête, il aurait été difficile de croire qu’elle était réellement venue par retransmission holographique. Une fois devant le Kommissar, elle prit la parole.

- Notre Mère Origine vous salue.

Le jeune choisi se cachait derrière Plantaeh. Il murmurait dans sa barbe. Puis elle fit deux pas en arrière traversant l’enfant et le laissant devant le Kommissar. Celui-ci ne souriait pas et le toisait de haut dans son grand costume noir. Boko commença à paniquer. Il baissa le regard vers ses mains qui tenaient une plante verte. La Gardienne assista à la scène amusée, le Kommissar était grand. Très grand. Une souris devant un tigre. Non, il s’appelle Leonardus, disons plutôt devant un lion.

- Notre Mère Origine vous salue. … Voici un cadeau. C’est une plante qui vient d’Origine. On se sert d’elle lorsqu’un choisi meurt afin de rejoindre la Forêt. C’est celle que j’utiliserai quand je serai grand. Enfin …

Boko leva un regard timide vers Leonardus Aurelius, attendant sa réponse.