Comme pour faire écho aux dernière paroles du Roi, une jeune fille venait d'entrer dans la salle de réception.

Le majordome qui l'avait accompagnée semblait un peu surpris de sa familiarité, mais l'annonça tout de même.

L'apprentie qui devait avoir une douzaine d'années avança, elle arborait une belle robe pourpre qui, bien que luxueuse, gardait un aspect assez austère. Une faible lumière bleu azur était visible autour de ses yeux, semblable à la jaune de son maître.

Le garde qui la suivait était vétu plus sobrement, un simple uniforme formel gris. Il avait la même lumière bleu dans le regard, mais celui-ci était totalement vide, et il suivait sa maitresse d'un pas calme et déterminé tout en portant une boite dans ses mains.

Arrivée devant le Roi Louis-Gontran, celle-ci fit une révérence, parfaitement synchronisée avec son garde.

Elle se tut ensuite, laissant à son hôte le temps de répondre, comme le voulait la politesse.

Elle s'attendais au silence quelque peu gêné qui suivit, se demandant ce que ils pouvaient bien penser de leurs pratiques, auquel elle s'empressa d'ajouter:

...

S'ensuivit quelques politesses et discussions légères autour du banquet, Lucida se révéla maîtriser les étiquettes de manière presque excellente, complimentant notamment les plats et montrant un intérêt certain pour les plats les plus originaux et exotiques, tout en gardant une contenance respectable qui contrastait avec son jeune âge.

Elle répondit poliment à la plupart des questions, et assise à proximité du Roi, pouvait parler sans avoir à hausser la voix.

Son serviteur, lui, resta droit, debout derrière elle, le regard vide, tentant toujours la boite.

Alors que le dessert allait être attaqué, la discussion avait tourné sur le Roi Shaide. Lucida amorça donc les choses sérieuses.

Elle fixa Louis-Gontran tandis que elle poursuit.

Après un court silence, elle ajouta:

Elle ne parut nullement surprise des questions posées, et répondit le plus naturellement du monde:

Elle commença à faire de la place sur la table en écartant les couverts.

Une fois que elle eut fini, son serviteur s'avança de derrière elle où il s'était tenu droit durant le repas et posa la boite qu'il portait sur la table.

D'apparence métallique, et d'environ deux fois le diamètre d'une tête, elle n'avait que pour seul ornement un bouton, sur lequel il appuya.

La boite s'ouvrit alors, laissant échapper quelques fumées froides alors que sortait un mécanisme de réfrigération et une cuve, à l'intérieur de laquelle flottait dans un liquide verdâtre un cerveau intact.

Le serviteur rappuya sur le bouton, et le contenu de la boite reprit sa place à l'intérieur, puis elle se referma, remettant à l'abri son précieux contenu.

Puis elle offrit son plus beau sourire au Roi avant d'ajouter de manière presque enfantine:

C'était... difficile.

Très carré, sans mauvais jeu de mot.

Lucida avait non seulement mal aux jambes à force de marcher, elle devait également faire de gros efforts d'observation et d'attention pour mémoriser et copier les gestes rituels.

Fort heureusement, ses dons naturels l'aidaient: Elle observait de manière discrète les pensées et réflexions de multiples personnes alentour, se calquant sur leurs propres automatismes mentaux pour se laisser porter.

Un procédé léger et indétectable.

Cependant, ce fut une autre paire de manches quand arrivait la "danse" (c'était ainsi que elle voyait celà). Elle faisait déjà de gros efforts pour mémoriser les sentiments, émotions et réflexions des gens autour d'elle. Elle devait en plus écouter les consignes du Roi en même temps. Elle aurait bien aimé avoir une poignée d'esclaves mémoriels à disposition pour stocker ce genre de choses.

Les exercices physiques et mentaux que lui imposait son maître à coté, c'était une promenade de santé.

Elle suivait la danse, observant et copiant les mouvements de ceux sur la chorégraphie que elle.

Elle se demanda un bref instant comment autant de gens pouvaient faire ces chorégraphies différentes sans que personne ne se rentre dedans. Mais elle resta concentrée sur son propres parcours, et surtout, sur les sentiments et pensées des autres, que elle notait dans sa mémoire en vue de leur évaluation futur par d'autres.

Avant que elle ne s'en rende compte, elle s'était mise à danser les yeux fermés. Si tout restait aussi bien ordonné, elle n'en aurait pas besoin.

Toujours à droite, 4 un quart, 2, demi tour...

Si il y eut une harmonie naturelle à cette pratique que sa discipline et l'esprit de groupe, elle était renforcée par la connexion que Lucida avait imposé aux autres à travers elle.

Elle se rendit soudainement compte que son observation mentale dépassait ce stade et avait atteint une forme de communication multiple que elle ne contrôlait pas vraiment. Tous étaient en train d'utiliser son lien mental pour leurs propres mouvements... ou plustôt.. était ce uniquement le sien?

Était-ce celà? "L'harmonie spirituelle"?

La fin de la musique lui permit de sortir de cet état de transe et de reprendre le contrôle de ses pouvoirs, elle coupa de suite le lien... mais personne ne sembla avoir remarqué le disparition. Tout le monde se tenait à présent droit, à sa surprise, elle constata que la position de chacun formait le même schéma que au début, en dépit des mouvements, la synchronisation était restée la même.

Le prêtre les regardait depuis son pupitre. Attendant la suite de la cérémonie et ne sachant pas si elle pouvait perturber le silence, elle s'autorisa une pensée destinée au Roi, qui semblait très reposé, espérant que il ne serait pas surpris d'entendre sa voix dans son esprit et qu'il comprendrait qu'il lui suffirait de penser pour qu'elle l'entende.

La sortie s'était faite dans le calme.

Elle répondit tranquillement aux interrogations du Roi, même si sa communication était perturbée. Il semblait avoir faim et penser à ce qu'il allait manger en rentrant et n'étant pas totalement concentré sur la conversation. L'odeur du poulet se faisait sentir en même temps que ses pensées....

...

Le trajet jusqu'au monastère se fit sans problème ni discussion.

Elle aurait pensée que elle serait pourtant un minimum interrogée, mais rien, décidément, ils lui faisaient confiance.

Mais une fois devant le moine, que faire. Celui-ci ne semblait pas vouloir la saluer, était-il seulement averti de l'opération que elle demandait de lui?

Il serait malpoli, voir ferait mauvaise impression de briser sa méditation ou pénétrer son esprit sans son autorisation, elle décida donc de s'agenouiller, en pratiquant elle même un exercice de concentration en attendant que l'homme ait fini. Cela ne pouvait pas prendre des heures non plus?

En temps normal, elle l'aurait fait sans hésiter, mais les circonstances étaient exceptionnelles, et cet homme n'appartenait pas à son maître. Et on ne viole pas la propriété d'autrui. Un principe respecté même sur Auroria.

Et sur ces pensées, elle attendit.