Il se rappela, les jours où il fut éduqué par un vieil archéologue fou dans un désert.

Il se rappela les jours passés à l'académie, à étudiée avec toute la noblesse citadine.

Il se rappela la guerre, l'odeur de la poudre, du sang et de la mort, les cris des mourants résonnant pour la première fois dans son esprit.

Il se rappela la mort de sa seule amie de ses propres mains, sur ordre de son souverain.

Il se rappela le travail accompli en tant que son apprenti, accomplissant ses sales besognes pour rester en vie et profiter de son enseignement.

Il se rappela le jour où il le défia et s'assit sur le trône après l'avoir tué.

Il se rappela ses premières conquètes, les conflits avec les voisins et l'expansion agressive des premiers jours.

Il se rappela Pendergast, qui amena la paix au secteur, puis Stuckart qui fit de même avec la galaxie.

Il se rappela la guerre et la chute de Verre.

Il se rappela son exil de la vie politique suite aux invasions extra-galactiques.

Il se rappela leur départ de son précieux secteur souverain. Que il dirigea après le décès ou le retrait de tous ses autres dirigeants. Ceux qui fussent ses ennemies puis ses amis.

Il avait fait un long chemin.

Shaide ouvrit les yeux.

Il était assis dans son trône, dans cette grande salle aux murs gris, froids.

Le silence régnait, il n'y avait personne, aucune décoration hormis les quelques bannières cyan Auroriennes sur les murs.

Seul. A l'image de ceux qu'il avait connu autrefois. Pour la première fois depuis bien longtemps, Shaide fut un peu triste et ressentit une certaine nostalgie.

Presque tous partis, il était le dernier.

Il n'avait rien à regretter.

Les jours précédents, ils avaient quitté le secteur. L'ordre avait été donné juste après un bombardement ADM. Les préparatifs avaient été effectués avant.

Tous les vaisseaux disponibles sont partis. A leur bord des psychomanciens, des hommes libres, leurs serviteurs et esclaves. Des milliards avaient été volontairement abandonnés sur place.

Pour une fois, ils possédaient un point commun: Ils avaient tout perdu.

Sauf la vie.

La société hiérarchique leur commandait d'obéir.

Shaide ressentit une pointe au coeur en pensant au sort qui était réservé à la plupart d'entre eux, et tous l'ignoraient.

Seuls les psychomanciens étaient au courant. Il en avait toujours été ainsi.

Il sourit à l'idée que Harley pensait avoir stoppé quoique ce soit, à ces bombes qui bombardaient un secteur quasi vide et dépeuplé par l'exil et la mort.

A leur arrivée dans leur repère secret, dans ce secteur reculé, abandonné de la galaxie et délaissé des grandes puissances, ils avaient battu un refuge.

Mais bientôt, celui-ci sera vide.

Il avait réfléchi et mit en place un projet gigantesque.

Si il avait été religieux, il aurait prié, mais il n'est pas certain que un dieu existe... mais si c'était le cas, il n'avait qu'a lui forcer la main.

Avec la somme de leur connaissances, des calculs géographiques, les mécanismes de la foi et la dévotion copiées dans l'esprit de ses fidèles, et sa propre volonté et celle de ses plus puissants lieutenants, il était devenu le "Seigneur Ascendant".

Un ensemble de rites avaient été préparés, et la frénésie dans laquelle ils se trouvaient à présent tous était un signe de la puissance de Foi que ils accumulaient vers un seul but.

Et il y avait son atout spécial que son apprenti lui avait envoyé. Un esprit profond, fort, et pourtant désemparé, un meurtrier, un sauveur, un terroriste et un libérateur, un pacifiste et un belliciste.

L'Alpha et l'Oméga.

Il était la pièce maitresse dans son projet. Car il connaissait ses propres limites. Lui, Gaspard Shaide, seul, ne pourrait réaliser un tel exploit que d'arracher la conscience d'une galaxie entière. Mais lui, il le pourrait. Shaide ne ferait que être son... "propulseur" pour esprit. Et il mettrait à contribution tous les psychomanciens dispersés à travers la galaxie. Charmeur, Korda, sera le réel moteur de la purge. Si ils jouent leurs rôles jusqu'au bout.

Tous leurs serviteurs, esclaves serviront à l'effort. Mais aussi les innocents et les individus libres pris dans le rayon d'action qui atteindra des distances gargantuesques sur chaque planète, chaque système.

Il frissonna à la représentation du Projet "Titanomakhia".

Nul doute que, Hans Stuckart, si il était là, lui aurait sourit et aurait aimé le nom....

Il le voyait presque, comme un fantôme, à ses cotés.

Avec l'énergie tirée, et le sacrifice de centaines de billards, ils pourront atteindre un niveau différent d'existence, extraire leur conscience de leurs corps, s'affranchir de leur cerveau et enveloppe charnelle... à moins que ce ne soit simplement la mort?

Pouvait on vivre éternellement?

Vivre à jamais, c'est rejeter la mort.

Mais une vie sans mort, peut on appeler ça une vie?

Ainsi, vivre à jamais, c'est déjà passer à un niveau au différent de la vie. Celui qui ignore la mort ne peut connaître la vie. Il est déjà plus proche d'un dieu.

La Foi en soi, n'est rien d'autre que un mécanisme de volonté collectif, une protection et la création d'un mythe autour de l'âme éternelle. Peut être que la somme des conscience parviendrait à créer un univers? Au final, un dieu ne serait il pas rien d'autre que la somme de ses croyants et de ses pratiques?

La mort, n'est point mauvaise. Elle libère des esprits instables, tourmentés.

Ceux qui en ont trop vu, ceux qui ont trop perdu, ceux qui ont trop fait soufrir et ceux qui ont trop souffert.

Feu l'Empereur Flavius lui même devait l'avoir compris à la fin. Mais que restait il pour en témoigner?

De tous ceux qui sont morts, beaucoup n'ont pas du réaliser pourquoi leur vie avait prit un terme si soudain.

Quel similitude? Entre l'ancien qui meurt paisiblement dans son lit, le soldat fauché par une balle, l'orphelin dans les bombardements, le suicidaire du haut de son immeuble?

Tous ne le réalisent pas, mais leur mort, voulue ou non, à été inscrite dans un processus long.

Celui du remplacement.

Les vieux meurent, laissent la place aux jeunes.

Les malades aux sains.

Les vaincus aux vainqueurs.

Les morts, au vivant.

La Création... par la Destruction.

La Rédemption des uns... par la Damnation des autres.

Il est indécent de s'attacher à quelque chose qui à fait son temps, et plus encore quand il s'agit de sa propre existence.

Shaide espérait, que au moins par son ultime acte, ceux qui vivaient depuis trop longtemps pourraient comprendre cette même vérité quand sa conscience touchera la leur au moment fatidique.

Après tout, le but de l'âge comme dans tout voyage, c'est d'arriver au bout, pas vrai?