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Cdt. Alaar
Respect diplomatique : 19 ![]() 14/07/1014 ETU 08:49 |
Score : 6
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Aujourd'hui : Le miroir au-dessus de la vasque de marbre rouge me renvoie mon regard. Mes yeux détaillent ce visage si familier. D’une main distraite, je caresse mon menton. Rugueux contact de cette barbe de trois jours que je n’ai toujours pas taillé… Je déteste l’idée que quelqu’un d’autre s’en occupe, question de confiance et de longévité. Je plonge mes mains dans l’eau froide et m’asperge le visage. Coup de fouet. Les traits sont tirés de fatigue, de la veille constante de ces deux derniers jours. Je passe ma main dans mes cheveux. Coupe courte, pas besoin de coiffer. La clameur de la foule pénètre par saccade par la fenêtre de la salle d’eau. Dans le reflet, je vois Adams, mon plus fidèle serviteur – et confident – entrer dans la salle. -« Empereur Alaar, êtes-vous prêt ? La cérémonie commence dans quelques minutes. » Bref coup d’œil au miroir. Je n’ai pas la tête des grands jours, mais au diable le protocole. -« Adams, je vous ai déjà demandé – -Je sais, Emp… -pardonnez-moi, Monsieur, mais il faudra vous y habituer… tel est votre titre, désormais. » Empereur… Ai-je la tête d’un Empereur ? Un empereur qui passerait inaperçu dans une foule oui. Brun, physique banal, taille moyenne… Commun. Hormis mes yeux, La marque de mon ascendance, mon héritage, ma légitimité ! Les yeux vairons de mes aïeux, l’un gris-bleu, banal, et l’autre d’or flamboyant. Ah, et sans compter ce costume de velours ocre et rouge, usé et froissé d’avoir été porté par tant d’augustes personnes aux morphologies variées. -« Emp… - heu Monsieur, vos atours. » Sur un écrin de velours –je vous laisse deviner la couleur- non moins usé, se trouvent les objets qui symbolisent mon pouvoir : Le sceptre, accessoire encombrant, lourd et massif, au manche qui fût il y a quelques siècles finement ciselé, sensé rappeler le pouvoir qui m’est conféré. Ensuite vient l’épée, reste anachronique d’une lointaine époque révolue. Comme tous les hommes de ma lignée, j’ai appris les techniques antiques d’escrime. Sensé symboliser ma force, vous l’aurez compris… Gros coupe papier ouvragé, rien de plus. Enfin, la pièce maîtresse, la couronne. Lourde, ornée de multiples pierres précieuses à l’éclat passé, gravée des figures de mes prédécesseurs. Chaque règne la rend un peu plus lourde à porter, rendant les audiences impériales encore plus insupportables. Je comprends maintenant pourquoi elles sont si courtes… C’est ainsi paré que, lourdement, essayant bon gré mal gré de garder la tête droite, je sors de la pièce où je me trouvais. Je traverse mes appartements, tout en tentures aux couleurs ternes, aux dorures usées, aux meubles patinés… Un sentiment profond de lassitude me prend. Ce palais, à l’instar de cette planète, s’englue depuis trop longtemps dans sa gloire perdue et ses traditions dépassées.
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Cdt. Alaar
Respect diplomatique : 19 ![]() 14/07/1014 ETU 08:51 |
Score : 6
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Les salles s’enchaînent, les gardes me saluent à mon passage, dans leur costume ocre et rouge ridicule. J’arrive dans la salle du trône, où dignitaires, conseillers et courtisans s’inclinent pour me saluer, genou gauche au sol, poing droit croisé sur la poitrine. Je hais ces gens. Ils représentent tout l’immobilisme de cette planète. Ne rien changer, garder chaque miette de pouvoir et si possible piquer celles du voisin. Mais surtout ne rien changer. Je prends mon temps avant de leur faire signe de se relever. Murmures de mécontentement dans l’assemblée. La position leur est indigne, songent-ils. Très bien, ils patienteront encore quelques instants. Ils en seront quittes pour quelques crampes et moi un torticolis ! Foutue couronne… La gravure qui représente mon père est plus volumineuse que les autres. Excès de zèle du joaillier. Un patriote convaincu sans doute, ou des choses à se faire pardonner… Même dans la mort, la présence de mon père est un lourd fardeau à porter sur mes épaules. Sans lui accorder un regard, d’un signe distrait de la main, je permets à l’assemblée de se relever. Concert de soupirs, de craquements de genoux et de remarques désobligeantes envers ma personne. J’identifie les principaux mécontents. Cette salle est vieille de plusieurs siècles, et, à l’image du palais, d’une décoration douteuse, mais sa construction –unique et inconnue de ces gens – amplifie le moindre murmure en direction du trône… Archaïque, mais efficace… Qu’ils protestent, ils auront bientôt de quoi gaspiller leur salive. J’avance sur le tapis –ocre et rouge vous l’aurez deviné – qui part du trône vers le balcon impérial. Mon fidèle Adams, discret, se place en retrait. Les six conseillers de feu mon père se disposent en éventail derrière moi. Eventail du genre criard, l’ocre et le rouge sont réservés aux empereurs, le reste de la cours à hélas toute latitude en termes de choix de parure… et ils se sont lâchés, les vieux ! Une vrai basse cours, tout en plume, pierres, bijoux… la discrétion n’est pas dans leur habitude… Si leur volonté était de me ridiculiser, c’est fait. Je passe inaperçu au milieu d’eux…
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Cdt. Alaar
Respect diplomatique : 19 ![]() 14/07/1014 ETU 09:04 |
Score : 7
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Je m’avance vers le parapet. Une dizaine de mètres en contrebas, derrière la ceinture de gardes impériaux, la foule… Mon peuple. Qui m’acclame, puisque c’est la tradition. Puisqu’il ne sait pas faire autre chose. Conformisme, obéissance aveugle… pas d’initiative. Pensée unique, prémâchée, prédigérée… Bon sang ! Ils ignorent même que nous ne sommes pas seuls dans l’univers ! Ils ne savent pas que trois planète voisinent la nôtre ! Voilà le bilan de siècles de gouvernance sur ce monde : cloisonnement de l’information, mystification… Empereur érigé en divinité, limitation technologique volontaire… Toute tentative de contact d’un peuple extérieur est tue, maquillée, au besoin transformée en manifestation divine ! Seule une poignée sait que nous avons des installations spatiales, des radars, des systèmes de communication sectoriels, une maigre flotte qui repousse à grand peine les raids de bandits interstellaires. Tout ça pour quoi ? Le contrôle. Tant de possibilités gâchées ! Bien sûr, l’économie moribonde a été entretenue par mes prédécesseurs. Bien sûr, nos savants sont bridés, brimés pour ne surtout pas progresser, bien sûr, nous n’avons jamais conquis d’autre monde ! Bienvenue dans notre bulle : inintéressante, morose, insignifiante… pas de risques d’invasion, de guerre, pas d’évolution. Passez votre chemin y’a rien à voir… Un écran holo de technologie obsolète projette mon image à la foule. Le son grésille, crachote. L’image est terne, tremblante. Adams s’approche discrètement et tend le parchemin –en vrai papier, si si…- sur lequel est inscrit le discours, au Grand Chambellan. Je l’avais oublié celui-là. En général un gars qui a de la voix et une certaine propension au dramatique, voix tremblante, larme à l’œil… bref. Ce discours, je ne l’ai pas écrit. Ni moi ni mes prédécesseurs. Une fois, quelqu’un l’a rédigé, il y a longtemps, et depuis, il n’a pas changé, comme toujours. Le Chambellan se met à beugler : -« Peuple de Saamuell ! Ecoutes moi ! Ton très saint père Edgaar III n’est plus ! Pleure, peuple de Saamuell ! Dans sa gloire éternelle, notre seigneur est partit rejoindre le firmament ! » La foule, d’abord silencieuse, s’agite, stupéfaite. Père était souffrant depuis plusieurs années, mais les apparitions de l’Empereur étant rare, le secret fut bien gardé… quand je vous parlais de cloisonnement de l’information… -« En ce jour, réjouis-toi, peuple de Saamuell ! Car est descendu sur ce monde ton nouveau berger, qui dans sa grande bonté accepte de prendre en main ta destinée ! » Geste vague de l’intéressé en direction de la foule… le tout est de rester mystérieux, lointain, impénétrable… Divin quoi! -« Acclame-le, peuple de Saamuell ! Et prosterne-toi devant sa glorieuse grandeur ! » Des milliers de genoux qui ploient, craquent, gémissent, et le bruit de milliers de poings qui frappent la poitrine. Quelle obéissance… Belle bande de moutons… S’ils savaient. Voilà, vous pouvez disposer et reprendre votre vie médiocre, rendez-vous dans dix ans, merci d’être venus… Il me tarde de me débarrasser de cette couronne, et de tout le reste. Demi –tour, gauche ! Je remballe le Grand Chambellan qui me demande de recevoir en audience les conseillers et la cour. Je lui colle son parchemin de façon fort peu protocolaire dans les mains et me dirige vers le trône, où je dépose négligemment mes atours. Coupant court à toute protestation, j’interpelle l’assemblée : -« Mes très chers sujets –j’insiste lourdement sur le « très chers »- la séance de doléances impériales est ajournée. Il en sera ainsi jusqu’à nouvel ordre. Deuil Mondial déclaré. Je rejoins mes appartement pour… hmm… pleureur la mort de mon père ! Aucune sollicitation, cela vaut aussi pour vous, conseillers ! » Stupeur. Silence… Vagues protestations… Les vautours se disputeront les miettes plus tard. Ils le feront sans moi, de toute façon. Du jamais vu depuis… longtemps, très longtemps ! Et ce n’est que le début… Par le balcon encore ouvert, souffle dans la salle du trône un vent frais, qui fait claquer les tentures. L’avez-vous sentit ? C’est le vent du changement.
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